Le Paléo Festival propose, dans les hauteurs de la plaine de L’Asse, la “Galerie”. Un centre artistique dans lequel on y retrouve cette année l’exposition du talentueux Mehdi Benkler. Cette galerie d’art, au milieu d’un festival, sous son aspect improvisé, n’en est pas moins réfléchie et bien agencée. Il s’en dégage en effet une atmosphère feng-shui, où l’air, tout comme les amateurs d’art, y circule librement. La facilité du déplacement permet donc a l’observateur de tourner sur lui-même pour regarder toutes photographies l’entourant jusqu’à en avoir des vertiges. Puis, il y a ces draps noirs qui recouvrent les murs de la galerie et qui tamisent la luminosité du lieu,  propice dès lors à de longues contemplations silencieuses.
L’exposition de cette année résulte de quatre ans de photographies réalisées par Mehdi au Paléo. Le jeune veveysan s’est armé de son “Contax Carl Zeiss” des années 90 pour saisir, en noir et blanc, ces mouvements mystérieusement touchants de la foule ou des artistes avant, après ou pendant leur performance. Il y a, dans sa photographie, ce souhait de pénétrer une intimité, de laisser transparaître une âme derrière ces entités que sont les artistes et la foule dans notre vision moderne.
Après avoir travaillé pour le Montreux Jazz Festival, c’est au tour de Paléo de révéler l’incroyable force photographique de Mehdi Benkler, en prenant en considération le travail d’agencement effectué par Melissa Cabras au sein de cette galerie, qui ne manque pas d’intéresser, voire de surprendre. En effet, lorsque la photographie de Tinariwen surplombe celle de Seasick Steve, le contraste en devient saisissant. Ce contraste réside d’ailleurs dans l’inadéquation sensorielle qui se dévoile parfois. Ici, c’est bien notre mémoire, en lien avec ce que l’on a entendu de l’artiste, qui nous empêche de percevoir la connivence visuelle des deux photographies l’une au-dessus de l’autre.
Au sein de cet éclectisme musical photographié, se développe (attention: jeu de mots) la capture d’un instant unique, qui n’est pas une trace, mais bel et bien un résumé, un tout compressé présentant une ambiance au travers du regard de Mehdi. C’est donc une photographie que l’on pourrait qualifier de lyrique à laquelle on a affaire, en ce sens qu’elle n’appartient qu’à l’ici et au maintenant de l’instant photographié. C’est bel et bien ce saisissement d’une dimension kinésique, au travers des gestes, des expressions faciales, du mouvement, que se crée ce langage de l’instant. L’emploi du terme langage nous est permis ici vu que le photographe veveysan saisit à la fois le locuteur, à savoir l’artiste, et l’allocutaire, la foule, dans cet échange. Cet échange qui d’ailleurs est sonore nous est retranscrit que par le sens visuel. Nous admirons dans le silence, nous observons calmement des clichés aux sonorités diverses. Ici réside la puissance et la sincère synesthésie de Mehdi Benkler.

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